La leçon de l'Ecole de la Bourse : Les Indices boursiers, ces célèbres inconnus

Les indices ont envahi notre vie ; il ne se passe pas une journée sans que les médias ne nous informent de l'évolution du CAC 40, du DAX 30 et du Dow Jones Industrial Average 30 ou du Nasdaq. Derrière ces noms aux origines obscures se cachent des réalités bien différentes qu'il faut connaître.

En guise de définition

La Bourse aime les indices et les boursiers aussi. A tel point que l'on estime leur nombre à plus de 100 000 ! Qu'ils soient très larges - comme le MSCI World Index - ou très étroits - comme le CAC Next 20 - ce sont des outils extrêmement utiles aux applications pratiques nombreuses. Ainsi, les gestionnaires de fonds comparent leur résultat annuel avec celui de « leur indice de référence », le fameux « benchmark » dont tout épargnant entend régulièrement parler. Par ailleurs, les indices servent de base à une multitude de produits dérivés développés par des entreprises de marché tel NYSE Euronext. Enfin la création de très nombreux Trackers met une nouvelle fois en lumière l'importance et la multiplicité des indices qui sont leurs sous jacents[1]. Pourtant en dépit de leur importance la littérature en langue française consacrée à ce sujet est très limitée...

 

En guise de définition

Un indice est constitué d'un échantillon de valeurs représentatives d'un marché.
Mais c'est aussi un indicateur de tendance et un  indicateur de référence. Cette construction mathématique ne supporte aucun frais ou coût de constitution à la différence d'une SICAV ou d'un portefeuille.
 
La gestion d'un indice
Il existe cinq méthodes de pondération des indices :
•·        Par les « prix », c'est-à-dire par le cours des actions comme pour l'indice Dow Jones 30.
•·        Par la capitalisation qui équivaut à la « valeur boursière » d'une société.
•·        Par « le flottant », c'est à dire la fraction du capital détenue par le public.
•·        De manière égale : on parle alors d'équipondération.
•·        En fonction des qualités fondamentales de la valeur les indices RAFFI.
Les indices adoptent une nomenclature afin de classifier sectoriellement les sociétés. C'est ainsi que la nomenclature Industry Classification Benchmark a été adoptée pour la famille des indices CAC.
GRAPHIQUE ICB 
Les producteurs d'indices
Les sociétés spécialisées dans la fabrication d'indices sont : Dow Jones, MSCI  (Morgan Stanley Capital International,) Standart & Poor's, mais aussi des entreprises  détenues conjointement par un média et une Bourse tel FTSE (Financial Times Stock Exchange) propriété  du Financial Times et du London Stock Exchange qui calcule quotidiennement quelques 120 000 indices d'actions, de taux et de hedge funds !
Les autres Bourses telles NYSE Euronext, Deutsche Börse, la bourse de Tokyo ont aussi développé leurs propres familles indices.
 
Le premier indice : le Dow Jones
Publié pour la première fois en 1896, l'indice Dow Jones comptait alors 12 valeurs.
La technique de calcul était primitive : on pondérait le poids de chaque valeur composant l'indice par le prix unitaire de l'action. Aujourd'hui encore cette méthode est toujours utilisée pour le DJ ainsi que pour le Nikkei 225. Les critères de sélection des sociétés sont : l'importance de la capitalisation, la diversité sectorielle, une croissance durable et la réputation. Conservateurs dans l'âme, les dirigeants de la société Dow Jones n'ont que rarement fait évoluer la composition de l'indice DJ 30 qui représente peu ou prou le quart de la capitalisation du marché américain.
Cela a été le cas en novembre 1999 avec l'entrée de Microsoft et d'Intel qui faisaient pourtant déjà partie de l'indice Nasdaq des valeurs technologiques. Une révolution à l'époque ! Il en été de même en juin 2009 par l'entrée de Cisco System et de The Traveler's qui ont suppléé aux abandons par « KO technique » de General Motors et de Citi Group.
La pondération par les prix recèle d'amusantes caractéristiques. On en jugera par les illustrations suivantes :
GRAPHIQUE DOW JONES
 
Quels sont les critères de choix pour le CAC 40 ?
Les deux principes d'échantillonnage sont l'importance de la capitalisation (appartenir aux 100 premières capitalisations) analysée « au flottant »* ainsi que la liquidité. Par liquidité on entend le volume de transaction et la taille des fourchettes de marché[2]. Contrairement à une idée reçue le secteur n'est pas un critère de choix, c'est ainsi que Technip a remplacé Air France KLM renforçant le poids du secteur pétrolier.
Le principal défaut d'une pondération par la capitalisation est l'apparition de fortes surpondérations concentrées sur quelques secteurs : le secteur financier (avec BNP Paribas, Société Générale ou Crédit Agricole) et l'énergie (avec EDF ou Total) dans le CAC 40 aujourd'hui et les secteurs Technologies, Media et Télécommunications (TMT) avant 2000 avec les fameuses trois sorcières : France Télécom, Alcatel et Vivendi Universal. Ce biais est entretenu par les investisseurs de type indiciels.
 
Les indices dans la mondialisation
Le MSCI World Index est un indice très utilisé par la gestion collective. Nombreux sont les investisseurs qui imaginent que cet indice permet d'accéder aux bourses  du monde entier. Et ce n'est pas la définition qu'en donne une importante société de gestion française qui dissipera cette illusion : « Indice composé de près de 1 500 sociétés mondiales dont le poids est fondé sur la capitalisation boursière et qui représentent environ 85 % de la capitalisation de chacun de leurs pays respectifs. »
En réalité, ainsi que le montre notre illustration, cet indice, créé il y a plus de quarante ans (1969), est représentatif des sociétés cotées du « vieux monde développé » et ne contient aucuns des fleurons boursiers des pays émergents. C'est ainsi que MSCI a été conduit, en 1987, pour tenir compte de l'apparition des émergents, à créer le MSCI All Countries.
GRAPHIQUE MSCI1       GRAPHIQUE MSCI2
 
Trois exemples de biais
1) Indice de prix versus indice de performance totale.
Tous les indices mondiaux à l'exception du NASDAQ calculent leurs performances :
sans le dividende, on parle alors « d'indice de prix »
en réinvestissant le dividende pour calculer « l'indice de performance globale ».
Chaque indice est médiatisé avec l'une ou l'autre performance et il faut alors rechercher dans le site du fabricant d'indices la seconde version.
C'est ainsi que traditionnellement le DAX 30 est communiqué en « indice de performance globale » alors que le CAC 40 est annoncé publiquement en « indice de prix » ; ce qui fait écrire à quelques journaux : « qu'en 2009 une fois de plus la bourse allemande surperforme la bourse française ». Observons que l'impact du dividende n'est pas négligeable. Le graphe ci-joint montre qu'à l'été 2007, le CAC 40 était plus haut qu'en septembre 2000, dividendes compris. En partie parce que les sociétés qui le composaient avaient été plus généreuses que dans les années 1990.
GRAPHIQUE CAC40
 
2) Les biais des indices sectoriels. La concentration des risques sur quelques valeurs est particulièrement importante dans le domaine des indices sectoriels. Nous présentons ici l'indice DJ Stoxx Oïl & Gaz 40 actions dont les cinq premières sociétés pèsent plus de 75 % de l'indice.
COMPOSITION DJ STOXX OIL & GAS
 
3) Les sur pondérations des indices étroits comme des indices larges. Ce biais de la concentration n'est pas seulement l'apanage des indices sectoriels étroits il peut aussi se retrouver dans des indices généraux larges et étroits tels :
le CAC 40 qui en janvier 2010 présentait une exposition aux secteurs :
- financier 19,6 %, pétrole et gaz 13,8 %,
- et dont  les 5 premières valeurs pesaient plus de 35 % du CAC).
le DJ Stoxx 600, indice très large s'il en fut, qui présentait une exposition au :
- secteur financier de 23,81 % le 31 janvier 2010 (contre 28 % en mars 2008)
- A cette date le poids des 30 premières sociétés était de 30,9 %.
 
Le paradoxe de la prime à l'émetteur endetté et fragile
Il existe aussi des biais dans le monde des indices obligataires. Sans plus de commentaires on se reportera à l'illustration ci-dessous qui détaille la composition de l'indice Euro MTS 10 ans fin 2009.
COMPOSITION INDICE EUROPEEN
 
Les caractéristiques d'un « bon indice »
Les règles de gestion doivent être publiques ; leur disponibilité à partir d'un site internet en facilite l'accès. L'objectivité des critères de sélection doit être assurée par des règles du jeu connues. Les règles de gestion doivent être simples. Des travaux de recherche sur les indices doivent être disponibles sur le site. En cas de fréquents changements dans la composition de l'indice, ceux-ci doivent pouvoir être prévisibles (c'est le rôle que remplit le CAC Next 20 pour le CAC 40).
 
Les dernières tendances dans la création d'indices
Afin d'échapper à d'éventuels effets de mode, tels la création de multiples indices de valeurs technologiques vertes ou d'indices basés sur les principes de la finance islamique, nous évoquerons trois innovations :
 
1) Les indices basés sur les fondamentaux. Les indices RAFI apparus il y a déjà quelques années sont fondés sur les fondamentaux (chiffre d'affaires, cash flow, valeur d'actifs et dividendes). Ces indices entretiennent un lien étroit avec l'économie réelle et constituent une bonne image de l'activité économique.
 
2) Les indices équipondérés. Ils sont développés sur NYSE Euronext depuis le 22 juin 2009 à travers un CAC 40 équipondéré. Comme leur nom l'indique dans cette famille d'indices chaque valeur pèse d'un poids identique. Le troisième vendredi des mois d'avril, juin, septembre et décembre on effectue un « rebalancement[3] » afin de ramener chaque valeur au poids égal. Cette technique est la réponse au biais de surreprésentation de certaines valeurs dans les indices basés sur la capitalisation.
3) Les indices stratégiques. Des indices à effet levier (Leverage, XBear et Short) basés sur l'indice CAC40 ont été lancés le 21 décembre 2007. Si l'indice X Bear (qui dégage une performance positive en cas de baisse de l'indice, le souscripteur fait donc le choix de s'exposer inversement à la hausse ou à la baisse du CAC à hauteur de 200 %) a enregistré un véritable succès en 2008, le même a logiquement baissé de - 49,84 % en 2009.
 
Comme on le voit, c'est un monde inconnu et pourtant  foisonnant que le monde des indices. Il est important d'en comprendre les mécanismes pour optimiser la gestion de son portefeuille. D'autant que le développement des Trackers permet désormais aux épargnants d'investir directement sur ces outils. C'est pourquoi, l'Ecole de la Bourse a décidé de servir de guide aux investisseurs en leur proposant ce nouveau thème de formation dans son catalogue 2010.
 
Achevé de rédigé en avril 2010 par Gérard Ampeau, Responsable des programmes de l'Ecole de la Bourse.

Pour plus d'information : www.ecolebourse.com

 
[1]
fin 2009 Morningstar recensait 874 ETF, ETC et ETN aux Etats-Unis  contre 1 154 en Europe.
[2]
écart en % entre la meilleure offre et la meilleure demande
[3]
Ramener régulièrement les pondérations des actions à leur valeur d'origine