Les Allemands ne désertent plus la Bourse

Dr Franz-Josef Leven, Directeur, Deutsches Aktieninstitut e.V.

Alors que Deutsche Börse - la Bourse de Francfort - et NYSE Euronext préparent leur fusion, un des partenaires allemands de la FFCI fait le point sur les évolutions récentes de l'actionnariat individuel outre-Rhin. Un constat rude teinté d'optimisme prudent.

Le nombre d'actionnaires et détenteurs de fonds Actions en Allemagne a légèrement progressé au premier semestre 2011. Au total, 8,3 millions de particuliers ont investi directement en actions ou par le biais de fonds. Soit 12,8 % de la population des plus de 14 ans. Après une baisse significative au second semestre 2010, la légère remontée de 136 000 (+1,7 %) du nombre d'actionnaires sur les six premiers mois de l'année est le premier - bien que prudent - signe d'une stabilisation.

 

Nombre d'actionnaires et détenteurs de fonds actions en Allemagne

graphique bourse allemande

De ces 8,3 millions d'actionnaires individuels, seuls 2,2 millions (3,4 % de la population) investissent directement en actions. Les fonds actions sont détenus par 4,6 millions d'investisseurs (7,1 %) alors que 1,5 millions (2,3 %) détiennent les deux. Soit une perte d'environ 4,5 millions (-35,3 %) par rapport au record de 2001. Cependant, l'Allemagne compte encore 2,7 millions d'investisseurs individuels de plus qu'en 1997. A noter que les quelque 2,9 millions d'épargnants en rente retraite (Riester) investis en actions ne sont pas comptabilisés dans cette enquête qui n'a pas été en mesure d'identifier le nombre de d'épargnants Riester qui détiennent également des actions ou des fonds actions. 

Classification et répartition des actionnaires - juin 2011

graphique bourse allemande

Vers plus d'actions en direct

Il est intéressant de noter le transfert entre le nombre de détenteurs exclusivement de fonds actions et celui d'actionnaires en direct. Les premiers ont baissé de 140 000 (-2,9 %) alors que ceux qui investissement à la fois directement en actions et en fonds ont au contraire augmenté de 257 000 (+21,3 %). On peut en conclure que beaucoup d'investisseurs en fonds actions sont devenus des acheteurs directs en actions au premier semestre 2011 et ont opéré un arbitrage d'un sous-groupe à un autre. A l'inverse, le nombre d'épargnants qui limitent leurs investissements aux seules actions n'a augmenté que de 19 000 (+0,9 %).

Comment, dans l'environnement volatil des marchés de ces dernières années, les investisseurs privés allemands se comportent-t-ils ? Ont-ils suivi des stratégies d'investissement pro cycliques ou anti cycliques sur les marchés actions ? Des réponses à ces questions peuvent être trouvées dans les publications trimestrielles de la Bundesbank (la banque centrale), qui suivent les transactions sur les marchés actions effectuées par les particuliers et les associations à but non lucratif. Elles sont ensuite comparées aux évolutions de l'indice DAX.

Le prix des actions a augmenté pratiquement sans discontinuer entre le début de 2006 et le troisième trimestre 2007. Pourtant, les particuliers n'ont cessé d'être vendeurs nets d'actions de façon tout aussi constante. Lors des décrochages brutaux constatés au second trimestre 2006 et au troisième trimestre 2007, les ventes nettes sont passées de 1 à respectivement 2 et 2,5 milliards d'euros respectivement pour ces deux trimestres. Cela semble traduire la grande nervosité de certains investisseurs particuliers devant la forte hausse des cours qui a porté l'indice DAX à plus de 8 000 points en 2007.

Le développement de la crise des subprimes aux Etats-Unis a entraîné des dégagements massifs avec plus de 12 milliards de ventes nettes au quatrième trimestre 2007, au moment où le DAX était au plus haut et juste avant le premier retournement sérieux. Après une période d'accalmie au premier semestre 2008, les cessions nettes d'actions ont repris de plus belle au troisième trimestre (-9 Mds) et, surtout, au quatrième (-33 Mds) à la suite de la faillite de Lehman Brothers. Après une période d'accalmie avec des cessions nettes fluctuant autour de 1 et 2 milliards par trimestre, les flux sont redevenus positifs, quoique modestement, à partir du troisième trimestre 2009. Soit un décalage de six mois sur le rebond des cours.

 graphique bourse allemande

Conclusion

Le comportement d'investissement des ménages doit être mis en perspective. Avec le recul, ils ont partiellement agi à leur avantage en vendant des titres quand les prix étaient au plus haut. Cependant, ils en ont vendu encore plus (33 Mds) lors de la chute brutale des cours au troisième trimestre 2008. Une attitude rationnelle seulement si vous anticipez une poursuite de la baisse et si vous avez l'intention d'acheter plus tard à des cours encore plus favorables.

La baisse du nombre d'actionnaires n'est pas seule à traduire la mauvaise image des actions auprès des investisseurs privés allemands. On ne peut que constater  également les retraits massifs d'épargne en actions qui ne sont pas revenus au moment où les prix étaient les plus bas. Les ventes nettes d'actions par les particuliers ont atteint 71,7 Mds d'euros sur 16 des 21 derniers trimestres avec en face pour 4,8 milliards investis en actions en cinq trimestres. A posteriori, une simple stratégie de type « achetez puis conservez » aurait été plus avantageuse.

Il n'est toujours pas possible de tirer des enseignements sur le comportement des investisseurs individuels dans des marchés volatils. Il est à craindre que les récentes fluctuations des prix aient renforcé les réticences des particuliers envers les actions. Il est donc nécessaire de continuer à fournir aux citoyens de l'information exhaustive et claire afin de développer une culture actionnariale durable.

 Achevé de rédiger en octobre 2011

 


 

Source : Enquête NFO-Infratest pour le compte de Deutsches Aktieninstitut e.V. auprès de 26 400 investisseurs, en quatre vagues. Les pourcentages se réfèrent à la population des plus de 14 ans.