LES CHRONIQUES D'ERIC DADIER

La Bourse face aux turbulences de la Nature et aux tensions géopolitiques.

Eric Dadier
Administrateur dela FFCI
Président de l'Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF)
mars 2011

PHOTO ERIC DADIER

Guerres, tsunamis... La Bourse, pas plus que les hommes, n'est à l'abri de l'imprévisible et du drame. A l'investisseur de garder son sang-froid et de savoir acheter quand tout le monde veut vendre.

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Autant la crise des dettes souveraines des pays périphériques de la zone euro, principal sujet d'appréhension des marchés boursiers l'an dernier, était prévisible compte tenu de l'état de délabrement général des finances publiques accentué par la récession économique, autant l'embrasement des pays arabes auquel est venue s'ajouter la tragédie japonaise a pris complètement au dépourvu les investisseurs. Le regain de confiance qui s'était traduit par une belle salve de hausses jusqu'au milieu du mois de février en nourrissant l'espoir d'une progression significative des indices boursiers sur l'ensemble de l'année 2011 s'est vite dissipé en cédant la place à une vague d'inquiétudes justifiées par les incertitudes suscitées tant par l'évolution chaotique des soulèvements en cascade du monde arabe contre les dictatures en place que par les conséquences difficilement chiffrables de l'effroyable catastrophe naturelle qui a frappé le pays du Soleil Levant. Est-il besoin de le répéter ? Le monde est dangereux et les marchés financiers sont en permanence à la merci de trous d'air sévères, capables de provoquer en peu de temps de gros dégâts, y compris sur les affaires cotées les plus solides et les plus florissantes. Alors que l'indice CAC 40 avait réussi à se hisser jusqu'à 4.170 points le 16 février dernier, son meilleur niveau depuis fin septembre 2008, sa dégringolade a ensuite été très brutale puisque, le 16 mars, il a touché le fond à 3.686 points. Soit une baisse spectaculaire de plus de 11% en un mois, suffisamment forte en tout cas pour provoquer, comme toujours en pareille circonstance, un sursaut technique violent que les commentateurs ont l'habitude d'assimiler, dans leur hâte, à « une chasse aux bonnes affaires » ou à des « achats à bon compte ».


Une fois de plus, l'imprévisibilité des évènements aura mis à mal une tendance qui semblait bien ancrée à la hausse au début de l'année. C'est que les actifs financiers restent vulnérables aux aléas de la Nature et aux tensions géopolitiques. Lorsque le climat devient anxiogène, les investisseurs craignent d'abord le pire, quitte à perdre temporairement toute lucidité, avant de rectifier le tir au moindre signe d'accalmie. On ne doit jamais oublier que la psychologie des opérateurs de marché joue un très grand rôle dans la formation des cours : le curseur se déplace sans cesse de l'envie de gagner à la peur de perdre et vice et versa. Où se situe-t-il en ce début de printemps ? Il évolue au gré des informations et des interprétations multiples et souvent contradictoires en provenance du Japon, du Maghreb et du Moyen Orient. Personne ne peut bien évidemment rester insensible au drame vécu par les Japonais doublé d'une menace nucléaire qui obsède le monde entier. Mais ce que redoutent les marchés financiers, traditionnellement plus terre-à-terre, ce sont les conséquences de la désorganisation du pays sur l'économie nippone elle-même, le commerce international et la croissance mondiale. Sans oublier les débats sur la remise en cause de l'industrie nucléaire à l'échelle de la planète. Quant aux troubles qui secouent le monde arabe excédé par des régimes dictatoriaux de plus en plus insupportables, ils sont certes menés au nom d'une noble cause : la libération de peuples opprimés, qui plus est étouffés par l'inflation des prix des biens de première nécessité, alimentaires en particulier. Mais la transition vers la démocratisation ô combien souhaitable de ces pays est un chemin semé d'embûches. Pour leur part, les marchés financiers ont surtout les yeux rivés sur l'évolution des prix du pétrole, car ils redoutent que l'Arabie saoudite, premier producteur mondial de pétrole et gendarme des prix du brut, ne soit à son tour politiquement déstabilisé. Le choc en retour serait, dans ce cas, considérablement plus grave pour les pays développés que celui de l'insurrection menée contre le colonel Kadhafi et épaulée par les frappes aériennes occidentales en Libye.


Dans ce contexte de fortes turbulences présentes et à venir, il faut savoir raison garder. Certes, les marchés boursiers qui vivent d'excès en tous genres n'ont pas fini d'être remuants. Mais, de même que les périodes d'euphorie créent d'excellentes opportunités de vente, de même les périodes de peur et de dépression offrent des occasions souvent exceptionnelles d'achat. A moins d'imaginer une nouvelle récession susceptible de remettre sérieusement en cause les valorisations actuelles et les perspectives bénéficiaires, il est rassurant de constater que la plupart des entreprises cotées sont en bien meilleure forme et beaucoup mieux gérées que les Etats criblés de dettes. En ne prenant en compte que les groupes entrant dans la composition du CAC 40, on est presque étonné que le très net redressement de leurs profits en 2010, bien que très partiellement anticipé dès le second semestre 2009, ait été salué l'an dernier par un léger repli de l'indice phare de la Bourse de Paris ! Maintenant que tous les résultats sont publiés, la frilosité des investisseurs, sans doute compréhensible face à un environnement très incertain, paraît malgré tout exagérée. Alors que la valorisation boursière globale du CAC 40 dépassait à peine 1.000 milliards d'euros à la fin du mois de mars, le taux de capitalisation des bénéfices du dernier exercice tournait autour de 12, un niveau très proche de sa moyenne historique, et ce grâce à une remontée des résultats de plus de 80% au titre du dernier exercice avec un total supérieur à 80 milliards d'euros. Or, si l'on doit raisonnablement s'attendre à une progression nettement plus faible des profits cette année, rien aujourd'hui ne permet de prévoir un infléchissement marqué à la baisse. La croissance mondiale, tirée par les nouvelles puissances économiques déjà émergées et les pays émergents, devrait être, cette année encore, comprise entre 4,5 et 5%.

Est-il nécessaire de rappeler que la plus grande part des bénéfices réalisés par les fleurons de la cote française provient de leurs activités étrangères et que c'est grâce à leur développement international qu'ils parviennent à tenir leur rang face à des concurrents de plus en plus redoutables ? N'ayons pas honte de dire que le CAC 40 est la vitrine de la France qui gagne dans le monde, n'en déplaise à ses détracteurs. En regrettant que les investisseurs eux-mêmes le boudent...


Chronique rédigée en mars 2011