Le marché a toujours raison

Eric Dadier
Administrateur de la FFCI, Président de l'Institut d'épargne immobilière et foncière (IEIF)
PHOTO ERIC DADIER
 Résultat de la confrontation entre l'offre et la demande, un cours de Bourse ne se discute pas, même si l'ampleur et le sens de sa variation peuvent étonner au jour le jour. Une tendance de fond s'impose toujours de toute façon dans la durée.

 Voici un quart de siècle, le regretté Yves Flornoy, alors syndic de la compagnie des agents de change, se plaisait à dire avec beaucoup de justesse que la Bourse se trompe tous les jours mais jamais à long terme. C'était une bonne manière de rappeler combien il est hasardeux de se fier aux variations de cours au jour le jour et de vouloir en tirer des enseignements nécessairement hâtifs et aléatoires. Sur la durée, en revanche, la logique s'impose toujours : les meilleures affaires cotées sont naturellement récompensées dans le temps par une importante valorisation boursière alors que les plus mal gérées sont inexorablement condamnées à une dépréciation de leur valeur, voire au naufrage. Quant aux indices boursiers, leur évolution reflète, certes, les phases d'euphorie et de dépression que traversent  successivement les marchés mais, au-delà des pics et des creux, leur performance moyenne traduit bien la réalité du développement économique et les qualités intrinsèques des placements en actions sur une longue période.

Tout se complique lorsque l'on affirme que, quelles que soient les circonstances, le marché a toujours raison, même s'il a manifestement tort. Beaucoup d'actionnaires individuels sont en effet souvent  déroutés par la forte baisse d'une valeur le jour même où la société émettrice annonce de bons résultats ou, au contraire, par une poussée de hausse dans la foulée de la publication d'une information financière négative. L'incompréhension est parfois telle qu'elle éveille vite des soupçons de manipulation de cours. Lorsque ces variations troublantes résultent d'erreurs de jugement manifestes, elles sont sans conséquence durable et le tir est rapidement rectifié. Mais elles peuvent aussi signifier l'amorce d'un retournement de tendance majeur si les opérateurs se mettent à anticiper un infléchissement dans les perspectives d'une société. Le marché, on le sait, peut réagir violemment quand il sent le vent tourner dans le bon ou le mauvais sens, et ce même si le management de la société en question s'abstient de modifier ses objectifs ou ses prévisions.

 

Un maelström permanent d'où émergent bien des surprises

Quoi qu'il en soit, sauf à prouver qu'il y a abus de marché, un cours ne se discute pas dès l'instant où il est officiellement affiché, même s'il paraît aberrant. Car il est le résultat à tout moment de la confrontation entre l'offre et la demande et donc d'intérêts et d'opinions contradictoires. Il ne faut jamais oublier qu'un marché est extraordinairement complexe, multiforme, composé d'acteurs dont les motivations, les comportements et les moyens sont extrêmement divers. Il y a un monde entre l'omniprésence des investisseurs institutionnels, capables de faire la pluie et le beau temps du fait de leur force de frappe financière et de la qualité des outils d'information dont ils disposent, et l'influence malheureusement déclinante des particuliers dont les munitions sont beaucoup plus limitées et qui agissent en ordre dispersé, sans aucune concertation. Dans le camp des acheteurs, il y a aussi un monde entre ceux qui investissent pour le long terme, se moquent des à-coups et des remous quotidiens en s'attachant aux éléments fondamentaux des entreprises, et les opérateurs trépidants, impatients, qui recherchent seulement un décalage de cours à la hausse le plus rapidement possible en essayant d'exploiter au mieux l'effet de levier maximal par le biais notamment du service à règlement différé (SRD), du marché des options ou des warrants. Dans le camp des vendeurs, il y a encore un monde entre ceux qui, par souci de bonne gestion, allègent leurs positions pour concrétiser des bénéfices, d'autres qui sont contraints de se séparer de titres pour payer par exemple des droits de succession ou faire face à une importance dépense, et ceux qui, hedge funds agressifs ou amateurs de sensations fortes, prennent de gros risques en vendant à découvert des valeurs pour tenter d'en tirer le meilleur profit. De ce maelström permanent émergent quotidiennement bien des surprises capables de fausser les meilleurs jugements. La vraie tendance, celle de fond, a besoin, elle, de temps et de recul pour être lisible. Autant dire que les conseils boursiers sont sans cesse exposés aux critiques les plus acerbes s'ils ne répondent pas rapidement aux espérances. Eux aussi ont pourtant besoin de temps pour que l'on puisse mesurer en toute bonne foi leur bien-fondé et leur efficacité.

 

L'indice CAC 40 depuis 1992 et sa MM à 200 jours, la vraie tendance du marché.

INDICE CAC 40 DEPÜIS 1992 ET MM200J

L'histoire enseigne que, lorsque l'indice CAC 40 s'éloigne de sa moyenne mobile à 200 jours de plus de 10 %, il entre dans une situation d'excès inexorablement suivie d'une phase d'ajustement. On ne sait jamais quand une telle correction intervient ni quelles seront son ampleur et sa durée. On notera simplement la similitude entre celle qui a démarré en août 2007 et celle de mai 2006. Il convient désormais d'examiner attentivement l'évolution de la courbe par rapport à sa moyenne mobile et d'être très attentif à tout retournement de tendance éventuel.

Article daté de juin 2007