Savoir mettre à profit les excès de la Bourse

Eric Dadier, Administrateur de la FFCI, Président de l'Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF)
août 2006
PHOTO ERIC DADIER

Le marché a toujours raison, sauf lorsqu'il dérape, à la hausse comme à la baisse. C'est dans ces phases d'exagération qu'il faut avoir les bons réflexes pour tirer parti des corrections de trajectoire inévitables.

En sous-estimant les phénomènes d'anticipation et l'importance des aspects psychologiques dans la formation des cours de Bourse, les investisseurs particuliers commettent assez fréquemment des erreurs de jugement qui les conduisent à intervenir trop tôt ou trop tard à l'achat ou à la vente et à enregistrer, au moins à court terme, des contre-performances désagréables qu'ils ont parfois du mal à comprendre. Certes, personne ne peut prétendre réussir à acheter ou à vendre en toute occasion au meilleur moment. Le timing parfait n'existe pas. Même pour les professionnels les plus aguerris et les mieux informés.


Gare à l'intoxication collective

Livrés à eux-mêmes, les particuliers qui aiment gérer en direct leur portefeuille et intervenir régulièrement sur le marché doivent veiller, s'ils veulent être efficaces, à ne pas se laisser griser par l'environnement ambiant lorsqu'il devient trop euphorique et, à l'inverse, à ne pas paniquer en cas de détérioration sensible de la tendance. Sans doute est-il difficile de résister à la tentation de renforcer ses positions lorsque la hausse tend à s'accentuer ou de les alléger précipitamment lorsque la baisse prend de l'ampleur. C'est pourtant dans ces phases d'accélération haussière ou baissière que les plus grosses bêtises sont faites si l'on succombe à l'intoxication collective et aux comportements moutonniers.
On a, certes, coutume de dire que le marché a toujours raison et qu'il est très dangereux d'intervenir à contre-courant de la tendance. Mais, en période d'excès, est-il vraiment judicieux de « courir après le papier » de peur de rater un train de hausses susceptible de dérailler à tout moment, ou, au contraire, de brader son portefeuille en cas de plongeon des cours, par crainte d'une baisse sans fin alors qu'un rebond est peut-être proche ? La sagesse voudrait, au contraire, que, puisque les excès sont nécessairement appelés à être corrigés, on en tire astucieusement parti en profitant d'une hausse trop spéculative pour sortir tranquillement du jeu ou d'une baisse injustifiée par son ampleur pour faire des achats à bon compte. Facile à dire, rétorquera-t-on en rappelant que l'indice CAC 40 s'est effondré de plus de 65 % entre septembre 2000 et mars 2003. Ne revenons pas sur les causes multiples mais bien connues de cette très grave punition. Observons simplement que, si les marchés boursiers sont tombés en deux ans et demi d'un énorme excès dans l'autre, les opportunités d'arbitrage n'ont cependant pas manqué entre-temps, à la faveur de la grande volatilité des cours, pour qui sait nager en eaux troubles.


L'histoire boursière est pleine d'enseignement

Si l'on prend soin de regarder de près l'évolution graphique des indices et des valeurs, il n'est d'ailleurs pas besoin d'être expert pour détecter, derrière leur orientation fondamentale déterminée notamment par les moyennes mobiles (MM) des cours qui ont l'avantage de lisser les mouvements, les phases de dérapage conduisant droit aux corrections de trajectoire. Il convient de se méfier tout particulièrement des mouvements de cours qui les écartent trop de leurs MM longues, à cent ou à deux cents jours. L'histoire enseigne en effet que, lorsque l'indice CAC 40 s'éloigne de sa MM à 200 jours de plus de 10 %, il entre dans une situation d'excès inexorablement suivie d'une phase d'ajustement. Or, le 12 janvier 2006, l'écart était de 12 %. Tout comme le 11mai 2006, jour où, à plus de 5 300 points, l'indice a atteint son record de l'année. A tout le moins, une consolidation s'imposait, ce qui s'est effectivement produit par la suite. On se souvient aussi que, le 31 octobre 2005, le CAC 4O avait brusquement progressé de plus de 2,5 %, laissant derrière lui un trou de cotations béant de 25 points, entre 4 375 points, son plus bas niveau de la séance du jour, et4.350 points, son meilleur niveau de la séance précédente. Ce que l'on appelle un gap dans le jargon technique, destinéen règle générale à être comblé un jour ou l'autre. Mais, loin de freiner son allure, le marché a, au contraire, continué de grimper par la suite, porté par la traditionnelle vague d'achats de fin d'année et par un démarrage sur les chapeaux de roue début janvier. C'est parce que cette hausse reposait sur des bases fragiles du fait de ce gap inopportunément oublié qu'elle devait être mise à profit pour procéder à des allègements de positions progressifs en prévision d'un trou d'air inévitable. Effectivement, la correction est amorcée. Un mouvement somme toute classique qui a le mérite de réduire l'écart entre la position de l'indice et sa moyenne mobile à 200 jours, laquelle se situait fin janvier autour de 4 420 points et 4 750 points début mai. . Mais le fameux trou de cotations indésirable du 31 octobre est encore loin d'être bouché. Et tant qu'il subsistera, on ne sera pas tout à fait rassuré sur la solidité de la tendance à moyen terme. S'il est comblé dans les semaines à venir, ce sera alors l'occasion rêvée pour refaire ses emplettes en s'intéressant notamment de près aux valeurs qui auront été exagérément mal menées depuis le sommet du 11 mai 2006.


Le CAC 40 et sa moyenne mobile à 200 jours
 MOYENNE MOBILE 200 JOURS DU CAC40
Graphique janvier 2006

L'écartement excessif du CAC40 par rapport à sa moyenne mobile à 200 jours s'est, à chaque fois, traduit par une correction plus ou moins forte en 2005.